Chronique de Toujours pas de nouvelles de mon frère par le site Litzic

 

Toujours pas de nouvelles de mon frère, recueil de poésie d’Heptanes Fraxion (aux éditions Ni fait ni à faire).

Chaque poème est annoncé par une épiphanie/éphéméride. De celle d’une fête, souvent religieuse, même si des fois pas. Pentecôte, Mardi gras, fête des Mères, Pères, elles y passent toutes, dans l’ordre d’apparition de celles-ci sur le calendrier, même si certaines manquent à l’appel. Et pendant tout ce temps-là, toujours pas de nouvelles de mon frère.

Chacune des poésies ici présentes nous parle d’un proche, d’une Nathalie, d’une Diane, d’un Thomas, de Jim, et nous étale leurs pensées, leurs constatations du monde qui est le leur, avec une économie de mots qui épure le sentiment écrasant qui prédomine. Il peut s’agir de mélancolie, de joie, peu importe puisque avec sa plume Heptanes Fraxion nous peint des portraits par le prisme de l’intimité dévoilée.

Les amis, la famille, et Fraxion.

Tout y passe, dans un rythme qui déroule les émotions au kilomètre, mais sans lourdeur. Les mots déroulent les émotions, réveillent les nôtres aussi, forcément. Le prénom cité a droit à 4 ou 5 lignes,parfois plus, parfois moins, brèves, où chaque mot pèse de tout son poids, sans peser inutilement, jamais. Mais pour autant, il ne s’agit pas de couteau à cran d’arrêt qui se ficherait dans la panse, de punchlines qui nous rétameraient d’un direct ou crochet dans le foie, non. Il s’agit de bien plus que cela.

Nous y verrions plutôt un ballet, une danse, le vol d’un papillon. OU plutôt celui d’une abeille. Car celle-ci butinerait dans chacune des existences des personnes mentionnées, n’oubliant pas, parfois, à l’occasion, de piquer telle ou telle personnalité d’un dard effilé, celui d’un regard perçant à qui on ne la fait pas (tout en étant aussi cruel que drôle que tendre que froid).

La plume d’Heptanes y est à la fois légère et grave, aérienne et terre à terre. Et pendant ce temps, toujours pas de nouvelles de son frère (ou de Jim Floyd).

Et l’auteur dans tout ça ?

Finalement, n’est-ce pas lui qui se dévoile le plus à travers ces textes ? Sa poésie charnelle, celle qui s’attache donc au corps et à la psyché que renferme celui-ci, brille et étincelle. Elle définit des contours propres, aux tracés fluides, jamais définitifs car ouvrant sur des multiples possibilités d’interprétation. Nous y sentons une âme vive, portée, ou ballottée, par les courants contraires ou contrariés de la vie, avec une distance qui finalement ne cache qu’une sensibilité particulièrement incisive.

Comme de minuscules écrins, de petits présents que nous offrons pour une fête, les mots, les images, les allusions que dissémine l’auteur tout au long de ce bel ouvrage (nous aimons l’objet, tout en sobriété, mais avec un papier d’Ingres granuleux comme la vie) sont comme autant de révélateur puissant de la société qui est la nôtre, à la fois pleine d’espérances, de contradictions, de laisser aller ou de mainmise sur un présent qui accélère sans cesse.



Comme un roman de l’intime, ce recueil de poèmes dessine une trame pleine de vie. Alors que nous n’avons toujours pas de nouvelles de son frère.

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