prototype



automne et nuit
automne et nuit
la pluie fait tout sentir bon comme j'aime
la chair et les bagnoles 
l'acier et le ciment 
la terre rousse de partout 

parfums puissants de la marée étrange 
qui suinte sur les trottoirs 

je remarque des trucs 
la comédie
les faux espoirs
les rues qui remuent dans le rémugle et le jus des feuilles mortes

la peur qui se transmet 
la fiscalité qui n'épargne pas le smicard qui a refusé le système dominant
à savoir la paternité

les pratiques glauques de certains syndicats
les deux amis qui ne s'aiment plus
mais qui se respectent encore 
le chien perdu
le flic infiltré
le sdf qui hurle
Karine qui attend
Karine qui s'est faite belle
Karine qui est anxieuse 
Karine qui ne veut plus faire semblant d'être heureuse
Karine qui trompe son mari avec un pervers narcissique

contradictions créatrices
incohérences nourrissantes
autant de changements qui font grandir

putain de voix dans ma tête
on se croit spécial
on croit qu'on a souffert
on incarne tous un stéréotype 

putain de voix dans ma tête 
les murmures me parlent
et le néant me fait beaucoup de bien
mon nez lui part toujours du mauvais côté

études travail amour
les conseils c'est vraiment pour les cons

nous discutons comme si nous n'allions plus jamais nous revoir 
nous sommes les exemples parfaits  de ce système malade 
nous rigolons pour moins mourir 
nous nous crâmons avec divers produits

et ces choix nous définissent 
et ils sont miracles 
et ils sont égoïsmes 
et ils sont décevants 
et ils sont comme nous

tunnel qui donne sur une friche industrielle
encore un endroit qui n'existe pas 
encore un endroit où je vais tout le temps

on me parle de mon accent 
de la façon dont je porte mon bonnet
du nom que je me suis fabriqué
et qui parfois fait grincer des dents
et qui parfois fait l'admiration des amateurs de science-fiction

grâce à ma double vie de poète 
je supporte aisément les premières connasses de Noël 
et leurs jolis visages condescendants  
leur existence est aussi plate que leurs culs de bigotes ultralibérales 

elles savent ce qui est juste
elles savent ce qui est acceptable
je ne les laisserai pas me contaminer 

troubles bipolaires
je le connais ce putain de son
c'est le bruit de ma peau qui brûle

automne et nuit
automne et nuit

je ne comprends pas ce qu'ils disent les jeunes aliénés qui dissolvent leurs soucis dans la vodka 
mais en tout cas c'est très doux 
comme s'ils n'étaient plus enfermés dans leur colère (eux )
race errante
race errante

goût de cuivre de ma bière sous le préau du marché couvert
où je n'ai rien à perdre
où je ne manque à personne

j'ai confié une grande partie de ma vie sociale à mon travail
j'aurais pas dû

je me défonce à l'encre des bouquins 
et à la fumée de moi-même
et aux nuages brisés de l'obscurité

mélancolie 
mélancolie d'être aussi seul
mélancolie qui est aussi une forme de révolte contre ma vie conformiste 

décembre 2018
à cette heure-ci 
il n'y a plus que le parking qui soit aérien


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