C'est la viande qui fait ça par Marianne Peyronnet

Dans son deuxième recueil, Heptanes Fraxion, mec du XXe siècle qui rêve de slows et de machines à écrire, continue de transcender le quotidien de ses poèmes lumineux, sur les ombres des recoins de bars, les minuscules riens du réel, sur les cabossés, les niqués.

Quelques traits esquissés pour planter le décor, des vers pour dire tout le monde, il remplit le vide avec des morceaux de phrases, un rythme qui fait chanter les sons.

Bienveillance de misanthrope, tendresse d’ours, on dirait qu’il n’y a que lui qu’il n’épargne pas, même tout nu [il est] mal fringué. Les autres, il les observe avec mansuétude. Les Mina, les Angèle, il les aime, il couche des mots sur le papier pour elles. Pour une petite sœur, il écrit L’infinie finesse du moindre de ses gestes fait carrément kiffer les fées. On n’est jamais à l’abri de faire une belle rencontre, même si les gens sont laids ou alors c’est moi. A un coin de rue, un vieux dont même la béquille boîte, ou une nana obèse en nage.

Ses bouts de formules comme des sentences, il ne les colle pas que sur les vitrines des villes, les réverbères (en vrai), mais aussi dans ta gueule, comme des caresses un peu rugueuses.

Il y a les cris des embrouilles, les odeurs de fleurs et de sueur, de la matière fécale sur les poignées de porte. Il y a du cul, des ex, des futurs. Il y a des pères et des fils, des tu, des je, des nous surtout. Il y a de la vie, quoi.

C’est la viande qui fait ça / Heptanes Fraxion. Cormor en nuptial, 2019


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