Il ne passe rien mais je ne m'ennuie pas par Marianne Peyronnet



Des mots tout simples, des mots de tous les jours qui, collés les uns aux autres, deviennent des sons, donnent du rythme et du sens. Des fragments de conversation insignifiants, entendus dans des bars qui, posés sur le papier, disent combien tout importe, même les broutilles, puisqu’on n’est que de passage.
Heptanes Fraxion raconte des bouts d’existence, la sienne, et surtout celle des autres, des gentils, des pénibles, des cabossés, des presque fous. Sous sa plume, les riens deviennent de grandes choses, les paumés sont des rois, les filles perdues sont des lucioles. Il a des obsessions, Heptanes Fraxion, que les jours rallongent, que sa vie raccourcit, celle du temps qui passe et du vide qui suivra ; il a l’anxiété des mortels, soignée à grandes lampées d’alcool, un seul verre, mais d’un litre. On ne durera pas, alors tout se savoure, ou tout pèse, selon les cas, car tout va bien en général jusqu’à ce que tout aille mal.
Beaucoup de vin, et puis de joints, contre la solitude ou simplement pour célébrer la vie. Des rencontres, des gens à la limite, des histoires d’amour finissantes, des Moi aussi je t’emmerde mon amour, mais moi c’est une putain de tendresse, des soirées interminables…
Pas besoin de beaucoup de mots pour créer tout un monde. Sa poésie nous parle. Oui, c’est de la poésie. Mais pas de panique, Heptanes Fraxion ne crâne pas, il touche parce qu’il observe, finement, nos dérives et nos joies. Ses ciels sont des repères, ses émotions pareilles aux nôtres. Quand il se livrerait trop, il s’en tire d’une pirouette (des mots m’aident à me sentir mieux, non je déconne). Et au détour d’un vers, il cite New Noise. Vous n’en lisez jamais, des poèmes ? Ben, c’est l’occase.
Il ne se passe rien mais je ne m’ennuie pas / Heptanes Fraxion, Cormor en nuptial, 2018
Chronique publiée dans New Noise n°46 – novembre-décembre 2018

Marianne Peyronnet

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